« J’ai vu l’eau rentrer comme un robinet dans la cave puis, comme un torrent ! La priorité : sauver un maximum de peintures plutôt que les machines et les bouteilles de vin. Nous sauverons la moitié des œuvres, nos voitures et tout le rez-de-chaussée seront engloutis.
Le lendemain, en revenant sur les lieux à vélo me revient une chanson : « Les mains d’or » de Bernard Lavilliers.
Les jours qui suivent je vais donc aider mes amis. Ensuite, je vais reprendre ma casquette d’artiste et pour les sinistrés de la vallée donner un concert, faire des bulles de savon géantes et même réunir une équipe de jongleurs de feu.
D’un coup, les masques tombent, le vrai visage des gens apparaît. Le masque imposé par les autorités tombera aussi dans la foulée pendant plus d’un mois et, même les forces de l’ordre ne s’en encombreront plus.
J’ai vu et entendu de nombreuses personnes, constaté la bassesse humaine, la médiocrité, les profiteurs et autres vautours mais plus encore, l’incroyable résilience et la solidarité.
J’ai laissé cette période me traverser, j’ai noté les idées des mois plus tard de ce que j’avais vu et ressenti. Comment raconter tout cela en chanson, en allant vers l’essentiel, raconter l’impuissance de l’homme face aux éléments déchaînés et aussi à notre mode de vie ?
J’ai mis en vers puis en musique pour ceux et celles qui l’ont vécu avec leurs tripes, leurs mains, les pieds dans la boue. Cette chanson a été écrite avec les tripes et les pieds dans la boue. »
Helle-sur-Vesdre
Quand les pluies diluviennes entrent dans le soupirail
T’entends une sirène, t’es en télétravail !
Montée des crues, trop tard te v’la coincé chez toi !
Les taques d’égouts se soulèvent, ainsi sortent les rats.
Les caniveaux débordent et les eaux sont lâchées.
Les plombs sautent puis soudain tombe l’obscurité.
Engloutis les souvenirs, les photos, le passé,
Les bibelots, la vaisselle et même le canapé.
On se croyait derrière nos écrans bien à l’abri.
Raz-de-marée sur la ville et même un tsunami.
Éclate Éclate l’âme des pierres ! Éclatent éclatent les soupiraux !
Éclate Éclate comme du verre ! Eclatent Eclatent les vitraux !
Ouvrez les vannes des barrages pleins à craquer.
Le fracas, la stupeur d’Eupen jusqu’ à Chênée !
La Vesdre vomit nos ordures et charrie les salons.
À 100 mètres cubes seconde, elle sort de ses gongs !
Une vague d’au moins 20 pieds comme lame de fond !
Les voitures dans l’torrent flottent comme des p’tits bouchons.
Les riverains du premier sauvetage en canot,
puis sur le toit d’ leur maison, sauvetage en hélico !
On se croyait derrière nos écrans bien à l’abri,
Raz-de-marée sur la ville puis même un tsunami.
Éclatent Éclatent les passerelles ! Éclatent Éclatent les ruisseaux !
Éclatent Éclatent les poubelles ! Éclatent Éclatent en mille morceaux !
Les barquettes, les plastiques par millions naufragés !
De Goé à Fraipont tous ces arbres arrachés !
Le chaos, les pillages et même l’armée de terre.
La région saccagée, une ambiance d’après-guerre.
La laine qui file sa toile dans toute la vallée,
Comme une immense guirlande pour Noël à Verviers.
Des princesses à raclettes, gants et bottes en caoutchouc.
Des autocars de flamands, des coups de mains de partout.
On croyait les voir derrière leurs digues engloutis.
Pas de Raz-de-marée à Blankenberge ni même de Tsunami.
Éclatent Éclatent les chemins de fer !
Éclatent Éclatent les maisons !
Éclatent Éclatent les voies séculaires !
Éclatent Éclatent les piétons !