Après la pluie

Le mot des réalisateurs

Nous sommes tous les deux Verviétois de naissance. Aujourd’hui encore, nous habitons à Verviers. Les inondations nous ont épargné car nous vivons loin des cours d’eau, mais quelque chose s’est joué dans notre approche de notre ville et de notre territoire durant les jours qui ont suivi le désastre. Nous n’avons pas pris de caméra avec nous quand nous sommes descendus, chacun de notre côté, dans les quartiers touchés. Juste des pelles, des seaux, des brosses. Comme des centaines voire des milliers d’autres bénévoles, nous sommes allés donner un coup de main dans des quartiers dont nous ne suspections pas toujours les problèmes quotidiens. Nous avons aussi constaté les dégâts dans les zones naturelles, comme Goffontaine, un magnifique écrin de biodiversité.

Ce n’est que plus tard, trois ou quatre mois après, qu’est arrivée l’idée de raconter les évènements qui allaient suivre. Sur un temps long, depuis notre point de vue très local. Un constat nous a alors frappé et forme la ligne narrative que nous tentons de transmettre dans ce film : l’urgence de réparer et de repartir dans une vie « normale » se confrontait au besoin de repenser l’aménagement du bassin-versant de la Vesdre. Comment allier long terme et court terme ? Permettre aux citoyens de reprendre leur vie tout en n’oubliant pas qu’il fallait réparer et imaginer un avenir pour le territoire ?

Se préparer à un avenir climatique incertain, avec des fortes chaleurs, de la sécheresse et des épisodes de pluie très violents, comme en juillet 2021. Voici sans doute un des grands défis de la Wallonie et de la Belgique pour le 21ème siècle. Il n’est jamais trop tôt pour s’emparer de ce sujet dans un documentaire que nous voulons résolument conçu pour le grand public.

Ce film veut à la fois faire œuvre de mémoire en saluant la résistance incroyable des victimes mais aussi observer ce que le territoire nous raconte sur l’essoufflement des sols, de l’agriculture intensive, de la bétonisation.

Dans les pas de Maria, Martine, Muriel, Nicole, Christophe, Madeline, habitants de la vallée, nous découvrons leurs souvenirs de la catastrophe, et leur embûches quotidiennes. Dans ceux de Paola, Etienne et Audrey, nous comprenons mieux les enjeux du territoire.

La rencontre cinématographique de ces personnes crée, nous l’espérons, une réflexion universelle sur le besoin d’allier transition écologique et justice sociale.

Une production :

Dancing Dog Productions, Les Films de la Passerelle et Amerigo Park

En coproduction avec :

la RTBF – Unité documentaire

Wallonie Image Production

Wallimage

 

Avec le soutien de

Belarts Fund et du Tax Shelter du gouvernement fédéral belge et du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Distribution

Le Parc Distribution

Pour en savoir plus
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Les enjeux

Depuis les inondations de 2021, la Région wallonne a commandité une série d’études urbanistiques, hydrauliques et d’aménagement du territoire pour réagir à la catastrophe. Elle a décidé de se concentrer sur la vallée de la Vesdre, vu l’ampleur des dégâts là-bas, mais il ne faut pas oublier que ces inondations ont aussi touché l’Ourthe, d’autres parties de la Wallonie et que des vallées comme celle de la Dyle sont régulièrement en état de débordement. La Flandre, par ailleurs, très sensible aux enjeux de montée des eaux, est sur le qui-vive et développe ses propres plans d’aménagement.

Après la pluie couvre donc un enjeu essentiel pour les cent années à venir en Belgique : comment rendre les territoires plus résilients face à la crise climatique 2 à 3 épisodes de pluie aussi intenses qu’en 2021, mais aussi une sécheresse importante à venir, qui va menacer l’agriculture et l’accès à l‘eau)? Dans la région verviétoise, c’est l’industrie lainière qui a modelé l’aménagement du fond de la vallée. Les usines et habitations ont grignoté sur les berges de la Vesdre, et donc sur son lit majeur, où elle est censée s’étendre en cas de trop plein d’eau.

Mais sur les hauteurs, l’urbanisation du plateau de Herve et la gestion des forêts des Hautes Fagnes n’ont pas pu retenir les pluies de juillet 2021 dans leurs sols. Le plateau de Herve a vu ses haies et ses paysages de bocage réduits année après année alors que l’on encourageait les agriculteurs à cultiver et à élever leurs troupeaux de façon de plus en plus intensive, dès les années 60-70. Les Hautes Fagnes, dès le 19ème siècle, ont été le lieu d’installation de la monoculture d’épicéas, qui ont rendu les sols moins capables de retenir l’eau.

Dans les fonds de vallée vit une population beaucoup plus précarisée que sur les plateaux. Dans certains quartiers de Verviers, le chômage de longue durée grimpe sans cesse depuis dix ans. Pepinster, Nessonvaux, Trooz ne sont pas mieux lotis. Les enjeux sociaux et l’urgence du court terme ne doit pas être un obstacle pour une vision à plus long terme, mais les deux enjeux se croisent et risquent d’entrer en collision. La question des financements pour cette transition écologique est également au coeur des questionnements. Paola Viganò souhaite un laboratoire de la Vesdre, qui accueillerait l’expertise et les points de vue de la société civile. Mais la Région wallonne a décidé de remettre cette proposition à la prochaine législature, après les élections de juin. Après la pluie documente à hauteur des habitants ces chantiers politiques majeurs.